Le mot du jour franco-autrichien
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les "zazards" du choix de Serre-Ponçon...
Emmanuel Macron a présenté son "plan eau", le 30 mars 2023, à Savines-le-Lac (département des Hautes-Alpes). Le choix du lieu "n'a rien d'hasardeux", souligne un article du Figaro (lien).
Le lac de barrage de Serre-Ponçon, "véritable château d'eau de la Provence", a été créé en 1959, ennoyant (fluten) une partie de la vallée de la Durance et engloutissant (überfluten) les vieux villages de Savines et d'Ubaye. Aujourd'hui, il résume à lui seul tous les aspects et les problèmes liés à la gestion de l'eau, avec les crues, l'approvisionnement en eau potable, l'irrigation des cultures, le manque de précipitations et la sécheresse, la production d'électricité...
Le lieu le plus approprié, donc, pour présenter le "plan de sobriété sur l'eau".
Si le choix du président n'a rien "d'hasardeux" - ce qui est discutable (1) du point de vue lexical -, l'élision de la préposition "de" devant "hasardeux", par contre, est très hasardeuse (et pas très 'zazardeuze') ! En effet, le "h" de hasard - et des mots de la même famille, comme hasarder et hasardeux - n'est pas muet : l'article et la préposition ne s'apostrophent pas. On parle donc d'un hasard (et pas d'un "nazar"), du hasard, d'un choix qui ne doit rien au hasard.
Il est à noter que cette famille de mots possède une connotation péjorative en allemand, mais pas en français.
- L'issue d'un jeu de hasard (comme la roulette ou la loterie - par opposition à un jeu où on peut calculer, adopter une stratégie, comme aux échecs) est due tout simplement... au hasard. Le joueur peut aussi bien gagner que perdre. En revanche, l'allemand "Hasardspiel" est synonyme de "jeu risqué" ou même interdit.
- En français, "hasarder qc", "se hasarder à faire qc", c'est simplement s'en remettre au hasard, sans connaître l'issue de l'entreprise, qui peut être aussi bien heureuse que défavorable.
Hasardieren, en revanche, c'est prendre des risques inconsidérés, voire jouer le tout pour le tout (alles aufs Spiel setzen)
- Alors que le substantif "hasardeur" n'est plus utilisé en français, il a subsisté en allemand, là aussi avec un sens dépréciatif : Hasardeur est synonyme de personne insouciante, voire inconsciente (leichtsinnig), irresponsable.
Mais d'où vient le "h" initial, dit "aspiré" (mais qu'on n'aspire pas vraiment en français...) des mots de la famille de "hasard" ? Cette lettre indique en général une provenance non gréco-latine.
(En savoir plus sur le "h aspiré")
Hasard vient de l'arabe populaire az-zahr (le dé à jouer) (3), "az" étant la forme de l'article "al" devant un mot commençant par la lettre "z".
C'est ainsi que zahr s'est transformé en hasard : en ancien et moyen français, il arrivait souvent qu'un ajoute un "h" initial aux mots - surtout étrangers, non romans - qui commençaient par une voyelle. (4)
Le sens du mot a également évolué : d'abord "dé à jouer", donc instrument du hasard, il désigne ensuite la chance, puis le danger - une notion de risque qu'on retrouve dans "hasarder" et, "hasardeux"/
On peut faire le parallèle avec le latin "alea" qui signifiait à la fois dé, jeu de dés et hasard : "alea jacta est" = les dés sont jetés" ou "le sort en est jeté".
Pas de traversée du Rubicon à Serre-Ponçon pour Emmanuel Macron. Pour se rendre à Savines-le-Lac, il a dû franchir la Durance.
Mais la venue du président de la République était bel et bien hasardeuse, dans l'ambiance survoltée de la crise des retraites. Selon certains commentateurs, il espère faire diversion en parlant d'eau...et d'autres sujets, plus consensuels (il faut sauver la planète !) ou - du moins - moins clivants.
Quoi de mieux que le lac de Serre-Ponçon (et sa capacité d'1,27 milliards de mètres cubes d'eau) pour "noyer le poisson" (Ablenkungsmanöver, Ausflüchte) ?
Pour être au courant
1- Le choix même de l'adjectif "hasardeux" est discutable ; dubios, fraglich? riskant? oder gar gewagt, leichtsinnig?
Est-il employé au sens de "qui est soumis à des aléas, des imprévus, dont le résultat est incertain", autrement dit comme synonyme de douteux ?
Ou bien au sens de "qui comporte des dangers, des risques" ? En ce cas, il équivaudrait à périlleux, risqué.
Ou bien encore au sens de "audacieux, aventureux, imprudent" ?
L'auteur de l'article aurait mieux de choisir la formule "Ce choix ne doit rien au hasard", ou "le lieu n'a pas été choisi au hasard / ou par hasard".
2- Plusieurs mots d'origine arabe ont été empruntés en français - souvent par l'intermédiaire de l'espagnol ou du catalan - avec agglutination de l'article. Quelques exemples :
- ainsi l'arabe al bādinǧān devient alberginia en catalan et se transforme en aubergine en français ;
- le mot abricot vient de l'arabe al barkuk par l'intermédiaire de l'espagnol albaricoque et / ou du catalan albercoc ;
- l'arabe sumût, pluriel de as-samt (la direction, le chemin) devient acimut en espagnol, pour devenir azimut en français ;
- alcôve est emprunté à l'espagnol alcoba qui l'a lui-même emprunté à l'arabe al qubba ;
- alcool vient de l'arabe al kôhl (très fine poudre [d'antimoine]), via l'espagnol alcohol. Ainsi, khol et alcool ont la même origine.
3- D'autres étymologies, plus ou moins controversées, ont été proposées : ainsi, certains lexicologues estiment que le mot hasard vient de l'arabe classique "azahr" qui signifie "fleurs", parce qu'une fleur était représentée sur une des faces du dé, généralement à la place du chiffre 1.
4. Ajout d'un "h" aux mots d'origine étrangère :
Exemple : le "hamac" (Hängematte), mot emprunté au taïno (langue des Caraïbes) est d'abord attesté attesté en français sous les formes "amache" (1525), "amacca" (1533), et "hamaca" (1545), puis "hamacque" (1568) et "hamac" (1659). (Source : CNRTL)
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Baroud d'honneur ?
"Jeudi 23 mars, la neuvième journée de mobilisation contre la réforme des retraites s’est déroulée dans une ambiance bien plus tendue que les précédentes, constate à l’unisson la presse internationale. (...) Le quotidien suisse Le Temps (...) reconnaît le succès de la participation de cette journée mais se pose tout même une question : "Ce jour de grève et de manifestations nationales restera-t-il le baroud d'honneur du mouvement, ou marquera-t-il le début d'une nouvelle phase de lutte, encore plus musclée ?" (article)
Un baroud d'honneur (letztes Ehrengefecht), c'est l'affrontement ultime, un combat désespéré qu'on livre quand même - même si l'on sait qu'il est perdu d'avance - pour défendre une cause à laquelle on croit, et qui possède de ce fait une forte valeur symbolique. L'expression est attestée en français à partir de 1936.
Mais d'où vient-elle ? Le terme "baroud" possède une consonance peu française : c'est la francisation du mot "barud" qui, en chleuh (1) - dialecte berbère du sud du Maroc - signifie "poudre à canon, poudre explosive".
C'est pendant la "campagne" ou "pacification du Maroc" (entre 1907 et 1934) que les soldats français ont découvert puis adopté le mot en le francisant en "baroud" et en lui donnant une acception plus large : qui dit "poudre à canon" dit "arme à feu", d'où "combat" ou "bagarre".
L'expression "baroud d'honneur", elle, est utilisée en français à partir du milieu des années 1930, après que les derniers combattants marocains ont dû abandonner leur résistance héroïque face aux troupes françaises.
Il n'existe pas de synonyme exact de "baroud d'honneur" en allemand : "Entscheidungskampf, letztes Gefecht, finaler Schlagabtausch" ne traduisent pas ce dernier soubresaut, désespéré mais plein de panache, de ceux qui se battent contre plus fort qu'eux et qui sont prêts à se sacrifier pour la cause qu'ils défendent et pour défendre leur honneur.
Le mot "Showdown" traduit mieux le caractère décisif et dramatique de cette ultime confrontation. Mais, outre le fait qu'il n'est pas allemand, il n'exprime aucune notion morale telle que l'honneur ou le sens du sacrifice.
Autre proposition de traduction, l'expression "sein letztes Pulver verschossen haben" - qui correspond au français "avoir brûlé ses dernières cartouches" (2) - nous ramène à l'origine du mot "baroud" ("poudre explosive") et au caractère plus que jamais explosif de la situation en France après la grande journée d'action du jeudi 23 mars.
Pour être au courant
1- En arabe, le terme "chleuh" désigne les Berbères.
Pendant la guerre de 14-18, les Français combattant au Maroc appelaient "chleuhs" les soldats des "troupes territoriales".
Pendant la Seconde Guerre mondiale, le terme - orthographié "chleuh" ou "schleuh" (orthographe plus "germanique") - désignait les Allemands en général et plus spécialement les soldats allemands des troupes d'occupation.
2- brûler ses dernières cartouches / sa dernière cartouche : l'expression apparaît au moment de la guerre franco-prussienne. Elle illustre la résistance désespérée des Français face aux Bavarois - bien supérieurs en nombre - dans le village de Bazeilles (près de Sedan) le 1er septembre 1870. Les soldats français (moins d'une centaine) qui se sont retranchés dans une auberge (la maison Bourgerie) se battent jusqu'au moment où ils sont à court de munitions et doivent se rendre. La scène a été immortalisée par un tableau d'Alphonse de Neuville (lien), l'auberge a été transformée en "Musée de la dernière cartouche"... et cette résistance héroïque mais désespérée est devenue proverbiale (lien).
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10 - Au secours, la coupe mulet revient au galop !
Comme le naturel qui, selon le proverbe (1), revient au galop après avoir été chassé, la coupe mulet - que l'on croyait définitivement ringarde - revient à la mode (2).
"Cette coupe star des années 80 connaît un retour en grâce depuis plusieurs années. Selon Cosmetify, elle est même la coupe de cheveux la plus recherchée sur le web en 2021, avec plus de 15,5 millions de recherches, soit une augmentation de 142 % par rapport à l’année précédente." (article) (3)
Quel est donc le rapport de cette coupe de cheveux avec l'équidé hybride de cheval et d'ânesse (ou de jument et d'âne) ?
Cette coiffure consiste à porter les cheveux longs sur la nuque, tandis qu'ils sont courts, voire rasés, sur les tempes et sur les côtés du crâne. Alors, faut-il voir là une comparaison avec la tête du mulet, couverte de poil ras, tandis que sa crinière et sa queue sont composées de poils longs ?
Pas du tout ! Son nom français vient du titre d'une chanson satirique des Beastie Boys, intitulée "Mullet Head" (4). Sortie en 1994, elle raillait cette coupe de cheveux considérée alors comme emblématique du macho primitif - qu'on appellerait aujourd'hui un "beauf" - et révélatrice d'un goût vulgaire.
Pourtant, à l'origine, l'expression "Mullet head" - qu'il ne faut pas confondre avec "tête de mule" (5) - n'a rien à voir avec le domaine capillaire, ni même avec le quadrupède hybride. C'était une insulte de l'argot américain, utilisée pour désigner une personne stupide.
Pourquoi cette comparaison avec un mulet ? Il ne s'agit pas là de l'équidé, mais du poisson du même nom, appelé aussi "muge" en français et "Meeräsche" en allemand : un animal réputé pour sa stupidité, et dont le museau plat et large rappelle celui d'un mulet (équidé). Il existe donc un rapport - mais assez lointain - avec le quadrupède.
L'allemand n'a pas repris l'expression anglo-saxonne pour qualifier cette coupe de cheveux très clivante : les uns l'adorent, les autres la considèrent comme une horreur capillaire. Elle est désignée par l'acronyme "Vokuhila", c'est-à-dire "VOrne KUrz, HInten LAng" (court devant, long derrière).
Certains porteurs de "mulet" complètent leur look par le port d'une moustache : c'est alors Vokuhila-Mischna (malgré les apparences, ce n'est pas un dieu du panthéon hindou, mais l'abréviation de "mit Schnauzer") - terme surtout utilisé en Autriche -, ou le Vokuhila-Oliba (abréviation pour "Oberlippenbart") - terme plus répandu en Allemagne.
Pour être au courant
1) "Chassez le naturel, il revient au galop" - Cet alexandrin - devenu un proverbe - est l’adaptation par Destouches (en 1732) d’un vers du poète latin Horace ; "Naturam expelles furca, tamen usque recurret" (Chasse le naturel à coup de fourche, il reviendra en courant).
Avant lui, Boileau avait traduit le vers par "Le naturel toujours sort et sait se montrer" (Satires, 1666).
Equivalents en allemand : "Die Katze läßt das Mausen nicht" - "Niemand kann aus seiner Haut" - "Man kann nicht über seinen eigenen Schatten springen"
2) Le Covid et le "mulet" - Les périodes de confinement pendant la pandémie de Covid ne seraient pas étrangères à cette renaissance du "mulet". Comme les salons de coiffure sont alors fermés, certains se lancent dans la coupe de cheveux "maison". Cette nouvelle expérience capillaire a des résultats souvent assez ... originaux ! Il est vrai que, s'il est relativement facile de se couper ou de se raser soi-même les cheveux sur le devant et les côtés du crâne, sur l'arrière de la tête, c'est une autre affaire !
3) A Ittre, en Belgique, le Festival européen de la coupe mulet attire les foules et les candidats au titre du "plus beau mulet". En 2022 le championnat a été remporté par un Toulousain.
5) Refrain de la chanson : "Mullet head, don't touch the back / Cut the sides, don't touch the back".
Au cas où vous voudriez vraiment (!) écouter la chanson, voici le lien
4) L'expression "tête de mule" se réfère au caractère récalcitrant (störrisch) de l'animal (qui tient ce défaut de son ascendance asinienne), et désigne une personne personne têtue, entêtée, cabocharde (bockig, querköpfig)
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quel fiasco !
"Ligue des champions - Après Bayern - PSG (2-0) - "Fiasco", "faillite"... La presse européenne sans pitié pour Paris (…) Pour la cinquième fois lors des sept dernières saisons, le club de la capitale a été éliminé dès les 8es de finale de la C1." (article)
"In diese Spiel, wie zwei oder drei oder vier Spieler waren schwach wie eine Flasche leer" (sic), aurait pu commenter Giovanni Trapattoni, comme il l'a fait le 10 mars 1998, lors d'une conférence de presse entrée depuis dans les annales du football. Alors sélectionneur de Bayern de Munich, il a traité certains joueurs du club de "bouteilles vides".
Après une défaite contre le FC Schalke, l'Italien réglait ses comptes avec les stars du Bayern, face aux journalistes. "Einer ist Mario [Basler], einer ist, andere ist Mehmet [Scholl]! Struuuunz! Struuuunz ist zwei Jahre hier, hat gespielt zehn Spiel, ist immer verletzt." "Was erlauben Strunz?" (sic, re-sic et toujours sic !)
Qui se souviendrait encore de Strunz (Thomas de son prénom) sans cette interview - ou plus exactement ce monologue - mémorable ?
Pourquoi citer Trapattoni et les "bouteilles vides" à propos du fiasco de l'équipe du PSG ?
• D'abord parce que cette interview a eu lieu il y a vingt-cinq ans, jour pour jour. C'est donc un anniversaire à fêter.
• Ensuite parce qu'il existe un rapport étymologique entre les mots "fiasco" et "Flasche".
Dans toutes les langues européennes (1), le mot "fiasco" a pris le sens de débâcle, d'échec humiliant.
Le terme vient de l'expression italienne "fare fiasco" qui, à l'origine se référait à l'échec d'une pièce de théâtre (2), donc à un "flop", un "bide" ou un "four" (3).
Le français a repris la locution au début du XIXe siècle, la francisant partiellement en "faire fiasco". Comme en italien, la formule se référait uniquement à un insuccès théâtral et n'avait pas encore le sens de "défaite humiliante, cuisante"
Cependant son emploi par Stendhal pourrait être interprété d'une façon moins artistique et plus "gauloise" (derb, deftig)… Ainsi, dans "De l'amour" (1822), l'écrivain utilise l'expression "faire fiasco" pour évoquer "la panne" ou "défaillance sexuelle" rencontrée par les hommes.
Le linguiste Alain Rey fait malicieusement le rapprochement avec l'adjectif "flasque", (schlaff) qui en l'occurrence se rapporterait à l'état du membre viril.
En effet, l'italien "fiasco" se traduit en français par "fiasque". Il s'agit aussi d'un récipient en verre, mais qui diffère de la bouteille / bottiglia en italien.
La fiasque a un long col mince et une panse rebondie (bauchig), garnie d'un tressage protecteur - la clisse, souvent en osier (Weide) - au moins sur la moitié de sa hauteur.
D'origine toscane - comme le chianti, commercialisé dans des bouteilles clissées (Korbflasche) -, le mot "fiasco"
- provient du bas latin "flasco, flasconis" (dont dérive le flacon),
- qui vient lui-même du proto-germanique *flaskǭ, qui a donné "Flasche",
- et dont le sens littéral est "das Umflochtene" (objet entouré d'un tressage).
Le mot fait partie de la famille de "flechten", tresser : les récipients - en terre cuite, bois, verre ou métal - contenant des liquides étaient protégés par de la paille ou de l'osier tressé pour être transportés sans dommage.
Naturellement, on transportait de la même façon les bouteilles vides, ce qui nous ramène au monologue de Trapattoni et à "Flasche leer".
Comme d'autres corps creux (4), le mot "Flasche" est employé de façon métaphorique et péjorative pour qualifier une personne dont le crâne est aussi vide qu'une bouteille sans contenu, c'est-à-dire un individu à la fois bête, incapable, incompétent : une nullité, eine Niete. "Was Fußball angeht, ist XY (nous ne voulons vexer personne…) eine totale Flasche!"
Comme son homologue italien, lors de la conférence de presse après le match, Christophe Galtier, entraîneur du PSG, a cherché un bouc émissaire pour expliquer la défaite de son équipe, "n’épargnant pas le jeune El Chadaille Bitshiabu [17 ans], coupable selon lui d’une erreur capitale sur le premier but encaissé par Paris". (article)
Il est cependant peu probable que l'interview de Galtier entre dans les annales et que El Chadaille Bitshiabu devienne aussi célèbre que "Struuunz" (ne serait-ce que parce que son nom est beaucoup plus difficile à retenir) !
Il y a un quart de siècle, Trapattoni terminait sa conférence par "Ich habe fertig". Une expression devenue proverbiale en allemand (ein geflügeltes Wort) ! Sur ce (daraufhin), il s'est levé, s'est dirigé vers la sortie, puis s'est retourné vers la presse : "Wenn ist nachfragen, eh, ich kann Worte wiederholen, eh."
Quant à moi, "ich habe nicht fertig!" : vous trouverez ci-dessous quelques explications supplémentaires.
"Wenn ist nachfragen", vous pouvez toujours me joindre par mail.
Pour être au courant
1- "fiasco" en français, anglais, espagnol, italien, portugais, néerlandais
"fiasko" en allemand, polonais, tchèque, suédois, norvégien, danois, finnois
"fiaskó" en hongrois ; "fiyasko" en turc
"φιάσκο" (fiásko) en grec ; "фиаско" (fiasko) en bulgare ; "фиаско" (fiasko) en russe
2- L'origine de "fiasco" au sens d'insuccès est controversée :
• Pour certains, cela daterait de la fin du XVIIe siècle : "fiasco" était le mot employé pour désigner une faute de français commise par un comédien italien. Rappelons que les compagnies de théâtre italien étaient nombreuses en France depuis le XVIe siècle, époque à laquelle Catherine de Médicis les avait fait venir à Paris.
• Pour d'autres, elle viendrait de l'acteur florentin Biancolelli qui, dans le rôle d'Arlequin, jouait une scène comique : à chaque représentation, il tenait un objet différent dans la main et improvisait un monologue à ce sujet. Un soir, il est arrivé, tenant une bouteille garnie de paille - "un fiasco" - mais il n'a pas réussi à amuser le public. C'est donc en souvenir de ce "flop" que serait née la locution "fare fiasco" au XVIIe siècle.
3- flop, four et bide :
• Le substantif "flop" est dérivé du verbe anglais "to flop" s'effondrer, chuter. En allemand, on emploie aussi le verbe "durchfallen" dans le sens figuré d'essuyer un échec, ne pas plaire au public.
• L'expression "faire un four" est plus ancienne. Au XVIIe siècle, le mot "four" est utilisé pour désigner l'obscurité d'un lieu (d'où la locution "il fait noir comme dans un four").
Lorsqu'une pièce de théâtre n'attirait pas de spectateurs, on éteignait les lumières (donc les bougies) pour faire des économies, mais aussi pour inciter l'assistance à quitter la salle, afin de ne pas être obligé de jouer la pièce à perte (mit Verlust).
• Quant au mot "bide", c'est une abréviation de "bidon", qui par analogie avec un récipient bien rempli, désigne un ventre rebondi. L'expression "faire un bide" se réfère, elle aussi, au monde du spectacle : lorsque le public n'appréciait pas la pièce de théâtre et sifflait, huait (ausbuhen) les comédiens, ceux-ci repartaient - honteux de cet insuccès - en rampant, donc "sur le bide".
4- Corps creux employés métaphoriquement au sens d'idiot, d'incompétent : la cloche, la cruche, la carafe, la gourde, le flac / flacul (diminutif de flacon en argot)...
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les boulangers sont dans le pétrin - so ein Schlamassel!
"Les boulangers dans le pétrin - Depuis dix-huit mois, la boulangerie supporte les hausses récurrentes des prix des matières premières et de l’énergie." Les boulangers descendent dans la rue "pour réclamer à l’État des réponses adaptées aux artisans qui doivent faire face à la hausse des coûts de l’énergie". (article)
Le pétrissage, étape essentielle de la fabrication du pain, a donné naissance à une expression employée aujourd’hui au sens figuré : "être dans le pétrin", c’est-à-dire dans une situation embarrassante, inextricable (verzwickt), dont il est difficile de sortir.
Le pétrin (Backtrog) était un coffre de bois muni d’un couvercle à charnières, dans lequel on pétrissait la pâte à la main. Aujourd'hui, comme le travail de pétrissage est effectué dans une cuve métallique par un appareil électrique, appelé lui aussi "pétrin" (Kneter), la plupart des artisans-boulangers n'ont plus besoin de "mettre la main à la pâte" - au sens propre du terme (den Teig mit der Hand kneten) - mais doivent continuer à le faire au sens figuré (Hand anlegen, zupacken).
Quand on connaît la consistance élastique et collante de la pâte à pain, on n’a pas de mal à imaginer comment l’expression est née : celui qui tomberait dans le pétrin aurait bien du mal à s’en sortir. (1)
Celui qui se trouve dans le pétrin a du mal à se débarrasser de la pâte, à "s’en dépatouiller". Malgré les apparences - et un seul "t" -, ce verbe n’est pas dérivé du mot "pâte", mais de "patte". Patouiller signifie "marcher, patauger (herumpatschen, planschen) dans la boue", ce qui rappelle l'expression équivalente en allemand : in der Patsche sitzen, littéralement "être assis dans la boue". (2)
La couleur sombre, souvent brunâtre de la boue (Patsche, Schlamm), son aspect dégoûtant, voire sa mauvaise odeur, rappellent certaines caractéristiques des excréments qui, eux aussi, ont donné naissance à des locutions du même sens - mais plus vulgaires - : être dans la me*de jusqu’au cou, bis zum Hals in der Schei*e stecken. (3)
Cependant "Schlamassel", qui a le même sens figuré que "pétrin"- à savoir "embarras", "situation fâcheuse", n'a rien à voir avec la boue ("Schlamm", écrit avec deux "m"). Le mot vient du yiddish "schlemasl" ou "schlimasl", composé du morphème négatif "schle" ou "schli" (que l'on retrouve dans l'adjectif "schlimm") et du yiddish "masol" ou "mazzal" : il signifie littéralement "mauvaise étoile" et par extension "manque de chance".
On retrouve ce radical dans l'expression "masel tov!" (en allemand) / "mazel tov !" (en français) - littéralement "bonne constellation", c'est-à-dire "que vous soyez / que tu sois né sous une bonne étoile !" et donc "bonne chance !"
Souhaiter "bonne chance" aux boulangers ne suffira pas à les "sortir du pétrin".
"Il ne suffit pas de dire aux gens "bonne chance !' ; il faut la leur offrir" -
Daniel Boulanger, écrivain français (1922-2014)
Pour être au courant

1- Rappelez-vous les aventures de Max und Moritz :
dans le 6ème épisode, les deux garnements s'introduisent dans le fournil (Backstube) du boulanger et tombent dans le pétrin. Tout englués dans la pâte, ils sont surpris par le boulanger qui n'hésite pas à les transformer en deux gros pains qu'il enfourne en un tournemain ! (im Handumdrehen).
2) in der Patsche sitzen a pour équivalent français - au propre comme au figuré - "être / se trouver dans un bourbier", "être embourbé", la bourbe étant "une boue épaisse qui se forme et se dépose au fond d'une eau stagnante". (CNRTL)
3) "boue, bourbe" ou "Patsche / Schlamm" sont employés par euphémisme pour éviter d'utiliser un terme plus vulgaire (me*de ou Schei*e). On retrouve ce procédé d'atténuation dans l'expression "jn durch den Kakao ziehen", où le cacao / chocolat remplace la matière fécale.
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bouton et boutonnière
A la fin du XIXe siècle et au début du XXe, une fleur - ou un bouton de fleur - à la boutonnière était un accessoire essentiel de la garde-robe des messieurs élégants, en particulier des dandys (1). Aujourd'hui, arborer une fleur ou un petit bouquet au revers de son veston est passé de mode - du moins dans la "vie de tous les jours" : cette tradition est presque exclusivement réservée aux réunions festives comme les mariages.
Peut-être vous êtes-vous déjà demandé s'il y avait un rapport étymologique entre la boutonnière (et donc le bouton d'un vêtement) et le bouton végétal. Par ailleurs, savez-vous pourquoi le revers de la veste ou du veston porte cette fente dans le tissu ? Et pourquoi seulement d'un côté ?
La boutonnière pratiquée dans le revers de la veste avait la même fonction que les autres boutonnières du vêtement : lorsqu'on relevait les deux revers, on pouvait fermer la veste jusqu'au col… et l'attacher avec un bouton.
Et, comme dans le reste du vêtement, un côté (2) était pourvu de boutons et l'autre de boutonnières.
Aujourd'hui, vestes et vestons ne sont plus boutonnés jusqu'au cou : le bouton supérieur a disparu, mais la boutonnière est restée, et sa fonction est devenue décorative.
C'est dans cette fente que l'on glisse un insigne (Ehrenzeichen) (par ex. la rosette de la Légion d'Honneur), un bijou ou … un bouton de fleur.
Le bouton de fleur et le bouton-fermeture ont la même origine étymologique, à savoir le francique "botan" qui a donné le verbe "bouter" en français (3), c'est-à-dire "pousser hors de".
Rappelez-vous l'avertissement lancé par Jeanne d'Arc aux assiégeants anglais, avant de libérer Orléans : "Je suis ci venue de par Dieu le roi du Ciel, corps pour corps, pour vous bouter hors de toute France !"
Le mot "bouton" désigne d'abord (attestation en 1160) "une excroissance végétale qui pousse", puis (dès 1170), par analogie de forme, une "petite pièce servant à fermer un vêtement".
Malgré cette attestation assez précoce, le mot "bouton" ne deviendra vraiment usuel qu'à partir du XIVe siècle. Au Moyen âge, ces petites attaches "à queue" sont appelées plus couramment "noyel, nuiel ou noiyau", par analogie avec le noyau des fruits. En effet, les premiers boutons sont le plus souvent de forme ronde et - entre autres matériaux - peuvent être constitués d'un noyau ou d'une graine recouvert/e de fil ou de tissu.
En allemand également, Knopf (bouton de vêtement) a la même origine que Knospe (bouton de fleur). Les deux mots dérivent de l'ancien allemand "knoph" qui désignait une excroissance végétale (bouton de fleur, bourgeon, bulbe, tubercule) en général.
Pour être au courant
1) Origine de cette coutume : selon la légende, la Reine Victoria aurait offert un petit bouquet au Prince Albert le jour de leur mariage, en 1840. Touché par ce cadeau original, le prince aurait décidé d'en orner le revers de sa veste.
2) Boutonnage à droite ou à gauche ?
Traditionnellement, dans les vêtements masculins, les boutons se trouvent sur la partie droite du vêtement et les boutonnières du côté du cœur. C'est l'inverse pour les vêtements féminins.
Cette différence entre les deux sexes remonte au Moyen âge. Dans le boutonnage masculin, le "côté cœur" du vêtement recouvre en partie le côté droit : la fente est donc plus accessible avec la main droite. En cas de menace, l'homme pouvait plus facilement saisir son arme - couteau, épée ou pistolet - et la tirer hors de son vêtement.
3) la famille de "bouter" : pousser.
Les arcs-boutants (Strebebogen) des cathédrales ont la même origine : appuyés sur les contreforts, ils empêchent les murs de s'écarter le le bâtiment de s'effondrer.
La bouture (Ableger, Steckling) fait aussi partie de cette famille.
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confettis
Le Carême vient de commencer, officiellement. Mais le Carnaval de Nice 2003 bat son plein (in vollem Gange sein) et les festivités vont durer jusqu'au dimanche 26 février. Confettis et serpentins jonchent (herumliegen) les rues.
Si l'origine étymologique de "serpentin" - "Luftschlange" en allemand - est simple, celle de "confetti" est moins évidente : en effet, nous allons découvrir que l'histoire du confetti a un rapport avec la confiture, le plâtre et… les vers à soie !
C’est à Nice qu’a eu lieu le premier carnaval français en février 1873.
Le journal Le Figaro a publié en 1879 un reportage consacré à ce Carnaval : défilés de chars, lancer de confettis, bataille de fleurs avaient attiré "deux cent mille personnes".
"Nizza maritima est encore blanche de la poussière des confettis", résume l’auteur de cet article.
• "Nizza maritima" ? Eh oui, en 1879, 19 ans après le rattachement du comté de Nice à la France, l’italien et l’occitan y sont encore les langues les plus répandues. Et puis, ce "Nizza maritima" fait agréablement couleur locale (Lokalkolorit) pour les lecteurs - en majorité parisiens - du Figaro.
• De la "poussière blanche" ? Rien d’étonnant à cela puisqu’à cette époque les confettis sont des petites boules de plâtre blanc et n’ont pas grand-chose à voir avec les confettis multicolores en papier que nous connaissons aujourd’hui.
Comme leur nom l’indique, les confettis sont bien d’origine italienne : au XVIIe siècle, c’était des "dragées" qu’on lançait à la foule les jours de fête, à savoir des "petites confitures sèches", enrobées d’une couche dure de sucre blanc.
Trop coûteuses pour être gaspillées, ces friandises (Süßigkeiten, Leckereien) ont été remplacées successivement par des pois chiches (Kichererbse) puis par des petites boules de plâtre (Gips) qui s’écrasaient, laissant une poussière blanche sur le sol.
On comprend que les premiers carnavaliers portaient un masque grillagé (semblable à celui des escrimeurs / Fechter) et un "cache-poussière" (sorte de peignoir que l’on enfilait par-dessus son costume / Staubmantel) pour se protéger de ces projectiles à la fois durs et salissants.
C’est donc avec enthousiasme que l’invention des confettis en papier a été accueillie à la fin du XIXe siècle : lancée à Milan en 1883, la mode a conquis Paris en 1891 avant d’être adoptée l’année suivante au Carnaval de Nice.
Ces nouveaux confettis avaient plusieurs avantages : fabriqués en papier recyclé, ils étaient bon marché, multicolores, et - légers - ils ne risquaient de blesser personne.
Mais quel est le rapport entre les confettis et la sériciculture ou élevage des vers à soie ?
D’abord, il ne s'agit pas de "vers", mais de "chenilles" comme le confirme l’allemand Seidenraupe. Mais cette précision zoologique n’a rien à voir avec les confettis.
Au cours de leur élevage, les "vers" sont nourris de feuilles de mûrier (Maulbeerbaum). Pour changer leur litière sans les blesser, on place dessus une couche de grandes feuilles de papier percées de trous et on y dépose les feuilles de mûrier toutes fraîches : attirées par la nourriture, les chenilles montent en passant par les trous, et l’on peut alors retirer la litière sale.
Un ingénieur milanais (à moins que ce ne soit un journaliste..., on ne sait pas exactement qui est l’inventeur), ami d’un éleveur de vers à soie, a eu l’idée de récupérer les déchets résultant de la perforation de ces feuilles de papier et de les utiliser en remplacement des confettis en plâtre.
Aujourd'hui en France, l'élevage des vers à soie est une activité très marginale, et les confettis - autrefois déchets recyclés - sont fabriqués industriellement de manière beaucoup moins "éco-responsable", avec des matériaux très divers (papier, métal, plastique...) Les rues de Nice ne sont plus "blanches de poussière" de confettis, ni "noires de monde" - comme à l'époque de la photographie en noir et blanc - mais multicolores et envahies par les carnavaliers.
Pour être au courant
Orthographe : un confetti, des confettis. Le mot singulier d'origine italienne "confetto" a été lexicalisé (zum festen Bestandteil der Sprache machen), et il prend un "s" au pluriel (selon l'Académie française)
Quand un mot d'origine étrangère est lexicalisé, c'est-à-dire intégré à la langue française, il cesse d'être soumis aux règles grammaticales de son pays d'origine pour être soumis aux règles grammaticales françaises.
En italien, on ne dit pas "confetti" pour désigner les petites bouts de papiers festifs, mais "coriandoli di carta", (coriandre de papier) un mot qui rappelle la graine de coriandre (ou d'anis), enrobée de sucre blanchi, que l'on se jetait ou s'offrait pendant les fêtes. Une tradition qui remonte au moins à la fin du XVIe siècle.
Confetti, confiture, confiserie (Süßwaren) et Konfekt ont la même origine, à savoir le latin conficere (cum + facere) = faire entièrement, achever, d’où l’idée d’élaborer, réaliser, préparer d’une certaine façon.
Depuis le 1er janvier 2021, les confettis non-biodégradables (ceux en plastique ou en métal, par exemple) sont interdits en France.
Serpentin : dérivé de serpent, le mot est attesté dans le sens de "petit ruban de papier coloré qui se déroule quand le lance" à partir de 1893.
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remettre le bleu de chauffe et aller au charbon
"Au 14 février, le Paris Saint-Germain a déjà subi 5 défaites en 2023. C’est déjà une de plus que sur la totalité de l’année 2022 ! Si le club de la capitale souhaite remplir tous ses objectifs, il va falloir remettre le bleu de chauffe et retrouver sa solidité." (article publié le lendemain de la défaite du PSG, à domicile, contre le Bayern de Munich, sur un score de 0 :1).
"Enfiler le bleu de chauffe", "mettre - ou remettre - le bleu de chauffe" signifie se mettre - ou se remettre - sérieusement au travail ! S’ils ne veulent pas être éliminés dès les huitièmes de finale de la Ligue des Champions, les joueurs du Paris-Saint-Germain vont devoir "retrousser leurs manches" (1) et "aller au charbon" (2).
Cette dernière locution et "mettre le bleu de chauffe" ont un dénominateur commun : le charbon, combustible utilisé pour alimenter les machines à vapeur, celles des usines et celles des premières locomotives. En effet, le "bleu de chauffe" était le vêtement de travail des cheminots (Eisenbahner) : c'était, à la fin du XIXe siècle, une blouse (3) en toile solide, serrée à la taille par une ceinture, qui les protégeait contre la chaleur, le feu, la saleté lorsqu'ils alimentaient en charbon la chaudière de la locomotive pour chauffer l'eau et produire la vapeur qui actionne le piston et, par conséquent, les roues de la motrice.
Mais pour quelle raison ce vêtement était-il bleu ?
La blouse a été pendant des siècles le vêtement traditionnel des travailleurs manuels : ouvriers, artisans, paysans. Elle était en général de couleur foncée, noire ou grise (donc peu sensible aux taches), mais rarement bleue avant le XVIIIe siècle.
En effet, la couleur bleue - produite avec la guède européenne (appelée aussi "pastel des teinturiers" : Färberwaid) ou l'indigo importé - était d'une part coûteuse à produire et d'autre part difficile à fixer sur le tissu : le bleu ainsi obtenu était souvent assez terne.
Mais la découverte - accidentelle - du "bleu de Prusse" ou "bleu de Berlin" (au tout début du XVIIIe siècle) a changé les choses : grâce à son faible coût de production et à son pouvoir colorant élevé, ce premier pigment synthétique a été rapidement et massivement utilisé pour teindre les vêtements des ouvriers, mais aussi l'uniforme des marins, des facteurs (4) ou des soldats.
Se généralisant comme vêtement des travailleurs manuels, le "bleu de chauffe" est devenu "bleu de travail", et sa forme a évolué : blouse ceinturée, puis blouse boutonnée descendant jusqu'à mi-cuisse, salopette (Latzhose), combinaison (Overall) couvrant le corps du cou aux chevilles, puis - dans sa version contemporaine - tenue deux pièces (veste et pantalon) très fonctionnelle, souvent pourvue de plusieurs poches.
Depuis des décennies, la gamme des "bleus de travail" se décline en plusieurs formes et couleurs, variant souvent selon le domaine d'activité : par ex. le vert des jardiniers et des travailleurs agricoles.
Le vêtement a cependant conservé son nom d'origine, en français comme en allemand où il est appelé "Blaumann".
Un autre vêtement de travail qui a traversé les siècles avec succès est aussi de couleur bleue : le jean qui a été créé par Levi Strauss en 1853 à l'époque de la "ruée vers l'or" (Goldrausch). En toile solide, teinte avec du "bleu de Gênes" (d'où son nom de "blue jeans"), ce pantalon-salopette (5) a été d'abord adopté par les chercheurs d'or puis par les ouvriers… avant de devenir le pantalon le plus porté dans le monde entier.
Pour être au courant
1- retrousser ses manches : comme son équivalent allemand (die Ärmel hochkrempeln), cette locution signifie se mettre au travail avec énergie, participer activement à une activité.
2- aller au charbon : bien que l’expression évoque le dur travail des mineurs qui extraient du charbon, elle est née dans le domaine de la prostitution dans les années 1930. "Aller au charbon" signifiait alors exercer un métier "normal", régulier et "honnête", par opposition avec celui des souteneurs - alias "maquereaux" (Zuhälter) - et des prostituées - alias "péripatéticiennes". Passée ensuite dans le milieu du théâtre, la locution est aujourd’hui employée de façon générale dans le sens d' "aller travailler", "aller au boulot", "gagner sa vie - souvent péniblement, à la sueur de son front" ("im Schweiße seines Angesichts", hart erarbeiten).
3- blouse et Bluse : ce sont aujourd'hui deux vêtements différents.
- "Blouse" se traduit par "Arbeitskittel" : ce vêtement est par exemple porté par les médecins, surnommés "blouses blanches" / die weißen Kittel.
- "Bluse" a été emprunté au français au XIXe siècle avec le sens de "Kittel" mais sa signification a évolué. Aujourd'hui, le mot désigne presque exclusivement un "chemisier".
4 - l'uniforme des facteurs apparaît en France à la fin du XVIIIe : il se compose d'un habit et d'un gilet de drap bleu et d'un chapeau qui sera remplacé par un képi à la fin du XIXe siècle, conférant au facteur une allure militaire. Mais sa couleur a varié selon les régimes politiques : en 1810, il devient vert, couleur de l’Empire, puis redevient bleu sous la Restauration avant de redevenir vert sous le Second Empire, en 1861, puis à nouveau bleu à partir de la IIIe République.
5- la salopette : un vêtement qui porte bien son nom !
Le mot dérive bel et bien du verbe familier "saloper", synonyme de "salir". C'est un diminutif de "salope", adjectif qui - au XIXe siècle - signifie simplement "sale, malpropre" : il n'a pas la connotation vulgaire que possède aujourd'hui le substantif "salope" (Schlampe, Miststück). La fonction principale de ce vêtement était de protéger de la saleté celui qui le portait.
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lèche-bottes : le cirage, la pommade et le miel
« Parmi les députés [du parti Renaissance] qui ont exprimé publiquement leur réticence •• Vorbehalt, Zögern •• [à voter le projet de loi sur les retraites], on assume •• zu etw. stehen •• pourtant d'avoir pris la parole dans les médias, quitte à •• auf die Gefahr hin •• fâcher dans la majorité. "Emmanuel Macron devrait être content de ne pas avoir que des cireurs de pompes", explique l'un d'entre eux. » (article)
La formulation "ne pas avoir que des cireurs de pompes" laisse sous-entendre que la plupart des élus de la majorité présidentielle - les fameux députés "Playmobil" - sont soumis •• ergeben, gefügig, unterwürfig •• et n'osent pas émettre une opinion qui pourrait "fâcher" le "chef". Ces élus obéissants sont aussi qualifiés de "godillots", ce qui nous ramène aux "pompes" et donc aux chaussures.
• Les "godillots" : à l'origine, ce sont des chaussures de marche livrées à l'armée française sous le Second Empire par Alexis Godillot, d'où leur nom. Aujourd'hui, le mot - familier et plutôt péjoratif - désigne de grosses chaussures, souvent en mauvais état (Quadratlatschen). Par extension, un "godillot" est un "bon petit soldat" qui exécute •• (einen Befehl) ausführen •• sans discuter les ordres venus "d'en haut".
• Le mot "pompes" désignait à l'origine (1ère attestation au milieu du XIXe siècle) des chaussures trouées qui prenaient facilement l'eau - et qui, donc, la pompaient •• aufsaugen •• par la semelle. Aujourd'hui, ce mot familier désigne les chaussures en général.
"Cirer les pompes" ou "les bottes" à qn, c'est le flatter servilement •• devot, knechtisch •• pour lui plaire et, en général, pour obtenir qc de lui. Un cireur de pompes s'abaisse •• sich erniedrigen, sich herablassen •• (au sens figuré) et se baisse (au sens propre). L'expression renvoie •• verweisen •• à l'image du cireur de chaussures qui est aux pieds de son client ou penché vers le sol, c'est-à-dire dans une position d'infériorité, de soumission.
Dans le même registre familier, on trouve l'expression synonyme "lécher les bottes à qn", qui est attestée vers la fin du XVIIIe siècle. Elle rappelle l'attitude du chien qui vient lécher son maître pour obtenir qc de lui.
"Pompes", "bottes" ou "pieds" ont dans ces expressions la même connotation : leur position basse, inférieure et leur contact avec le sol.
L'expression "passer la brosse à reluire •• glänzen ••" utilise la même image que "cirer les pompes".
Dans "passer de la pommade (1) à qn", qui signifie également flatter bassement qn pour l'amadouer •• besänftigen, für sich einnehmen •• (2), on retrouve l'idée d'enduire •• einschmieren ••, déjà évoquée dans le "cirage" des pompes.
L'expression équivalente en allemand "Honig ums Maul (oder "um den Bart") schmieren" recourt à •• auf etw. zurückgreifen, anwenden •• la même image : enduire d'une substance qui 1) fait briller (le cirage), 2) qui embellit (la pommade) ou - dans ce dernier cas - d'un produit sucré et collant (le miel).
L'origine de l'expression allemande est controversée :
- pour certains, elle a un rapport avec une ancienne méthode de dressage des ours : après avoir présenté leur numéro au public, ces animaux étaient récompensés avec du miel, dont ils sont friands •• begierig •• : on leur en "enduisait le museau".
- pour d'autres, l'expression se réfère à un rite religieux, connu en particulier en Chine où Zaojun, le "dieu du foyer", trônait dans la cuisine, au-dessus du poêle, sous la forme d'un portrait en papier. A la fin de l'année lunaire, il était censé •• eigentlich tun sollen •• quitter la maison dont il était le protecteur pour faire son rapport •• über etw. berichten •• aux "dieux supérieurs" sur le comportement des membres de la famille pendant l'année écoulée. Pour l'amadouer, on brûlait de l'encens •• Weihrauch •• devant son portrait et on enduisait sa bouche de miel, afin qu'il n'en sorte que des mots doux •• mild •• et des paroles de louange •• Lob •• lorsqu'il évoquerait •• zur Sprache bringen, erwähnen •• la conduite •• Benehmen, Verhalten •• des habitants de la maison auprès des "dieux universels" (worldhistory.org).
Mais, comme l'affirme le proverbe français "bouche de miel, bouche de fiel, les paroles "mielleuses", doucereuses n'ont rien de bienveillant et dissimulent l'animosité, voire la haine. Cet adage est confirmé par un vieux dicton allemand : "In sime süezen honege lît ein giftig nagel" ("In jedem süßen Honig findet sich ein giftiger Nagel”).
Pour être au courant
1- la pommade doit son nom au fait qu'autrefois ce "cosmétique composé d'une base grasse et servant aux soins de la peau ou des cheveux (CNRTL) était aromatisé à la pomme d'api, une petite pomme très croquante, ordinairement colorée sur un seul côté d'un rouge vif. Pourquoi "api" ? Cette dénomination vient d'un Romain, Appius" qui aurait importé des pommes à Rome.
2. amadouer signifie littéralement "frotter avec l'amadou". Pour susciter la pitié des passants, les mendiants avaient l'habitude de se frotter le visage avec un onguent (une sorte de pommade) à base d'amadou. Ce procédé leur donnait le teint jaune et l'air maladif. L'amadou (Zündkraut, Zunderschwamm), un champignon qui pousse sur les vieux arbres, a une utilisation plus connue : très inflammable, il servait autrefois à allumer le feu.
Dans l'espace germanophone, les mendiants avaient la réputation d'utiliser une autre ruse pour amadouer leur prochain. Eux aussi, ils avaient recours à un végétal : la renoncule scélérate, nommée "Bettler-Hahnenfuß". Ils enduisaient les parties visibles de leur corps avec le jus de cette plante, ce qui provoquait des réactions allergiques ou même des plaies purulentes, censées éveiller la compassion des passants.
C'est pour la même raison que la renoncule scélérate - Ranunculus sceleratus - s'appelle en français "l'herbe aux gueux" (mendiants).
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CHAR : la citerne, la chenille et la panse
Pour tromper l'Ukraine, la Russie utiliserait des chars factices et gonflables qui... se sont dégonflés. (korii.slate.fr)
Du cheval de Troie à la "maskirovka" russe, la duperie militaire est aussi vieille que la guerre elle-même. Cette technique du "leurre gonflable" a aussi été utilisée pendant la Seconde Guerre mondiale lors de l'opération Fortitude, afin de tromper les Allemands sur les véritables plans de Débarquement. Les "tanks et autres matériels militaires gonflables (…) permettaient de créer l'illusion de grosses unités tout en étant facilement transportables." (laboiteverte.fr)
La construction des premiers véhicules blindés motorisés a, elle aussi, été au coeur d'une entreprise de désinformation de l'ennemi.
Le premier char d'assaut moderne fait son apparition le 15 septembre 1916, sur le front de la Somme. C'est un "tank" britannique qui avance - à 5 km/h - en direction des lignes ennemies, semant la panique chez les soldats allemands qui n'ont jamais vu un monstre blindé pareil, monté sur chenilles, équipé de canons et capable de résister aux balles. (1)
Pourquoi ce véhicule porte-t-il le nom de "tank" qui en anglais signifie "réservoir", "citerne" ?
Pour tromper les espions allemands, les Anglais ont prétendu que la coque des blindés qu'ils étaient en train de construire étaient de simples réservoirs d'eau (water tank).
Plus facile à employer que le terme officiel "machine à chenilles destructrice de mitrailleuses" proposé par le Comité de la défense impériale britannique fin 1915, le mot "tank" est resté.
Les Français, de leur côté, conçoivent un premier char d'assaut Schneider, sur la base d'un Caterpillar (2) de la marque Holt, un tracteur américain monté sur chenilles. Mais il ne sera vraiment opérationnel qu'en 1918.
Un autre projet datant de 1911 - et donc antérieur aux tanks britanniques et français - est plus ou moins tombé dans les oubliettes de l'histoire. Gunther Burstyn - un Styrien né à Aussee - est alors lieutenant dans l'armée austro-hongroise (K.u.K.) lorsqu'il propose à ses supérieurs un prototype révolutionnaire de char à chenilles - sous le nom de "Motorgeschütze" : le ministère de la Guerre refuse de financer ce projet, par désintérêt mais aussi par manque d'argent.
Alors que le français a adopté l'anglais "tank" - prononcé "à la française", bien sûr... - et l'utilise toujours dans le langage courant (bien que le terme officiel soit "char d'assaut), en allemand Tank a été détrôné par Panzer, un mot d'origine... française !
En effet, Panzer, qui désigne aussi bien le blindé que la cuirasse (partie d'une armure) ou la carapace (celle de la tortue, par ex.), vient de l'ancien français "pancier" - "pansière" en moyen français - un élément de l'armure qui protégeait en particulier la "panse", c'est-à-dire le ventre. (3)
Pour être au courant
1- Ce premier modèle de tank a été produit sur ordre de la marine britannique, dirigée alors par Winston Churchill, "Premier Lord de l'Amirauté". Ce "navire terrestre" (landship) était une transposition des navires cuirassés qui faisaient alors l'orgueil et la puissance de l'Empire colonial britannique. Il s'est révélé trop lourd, difficilement manœuvrable sur terre, et sous-motorisé, étant donné la faible puissance des moteurs à pétrole de l'époque.
2- Caterpillar : la chenille - Chien ou chat ?
Alors que le français compare la chenille à une petite chienne (latin : canicula), l'anglais "caterpillar" dérive de l'ancien français du Nord "catepelose", littéralement "chatte poilue" (latin : cattus + pilosus).
L'origine de l'allemand "Raupe" est controversée : le mot est peut-être apparenté au verbe "raufen" (arracher). La chenille serait donc "la vorace" (die Freßsüchtige), celle qui arrache les feuilles pour se nourrrir.
3- Panse vient du latin "pantex, panticis" (abdomen, ventre, intestins).
Le mot désigne aujourd'hui essentiellement l'un des pré-estomac des ruminants (Wiederkäuer) - Pansen en allemand, rumen en latin. Dans le domaine de l'anatomie humaine, il a été évincé par "ventre" et ne s'utilise plus que dans des expressions péjoratives dans le sens de "gros ventre", "bide" (Wampe, Wanst) : "se remplir la panse" et "s'en mettre plein la panse" (sich den Bauch voll schlagen), ou "crever la panse à qn" (jm den Bauch aufschlitzen, jn umbringen).
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le couac du BIVOUAC
Jean-Marc Peillex, maire de Saint-Gervais, en Haute-Savoie, porte plainte contre deux alpinistes et leur équipementier, qui ont filmé leur bivouac au sommet du Mont-Blanc alors que c'est interdit. Dans une vidéo intitulée "Dormir au sommet du Mont-Blanc : 9 jours d'expédition", publiée sur YouTube le 20 novembre 2022, les deux hommes montrent leur ascension et leur nuit au sommet du Mont-Blanc. (francetvinfo.fr )
La plainte déposée par l'édile contre ce bivouac sauvage a déclenché une avalanche de critiques . "Un bad buzz incompréhensible pour de nombreux acteurs de la montagne, qui accusent l’élu d’être "en mal de médiatisation", explique france3-regions
C'est maintenant à la justice de trancher : qui est "en mal de médiatisation" et qui provoque ce "bad buzz" ? Les alpinistes avec leur vidéo de promotion sur "le toit de l'Europe" (1) où le campement est interdit depuis 2020 ? Ou bien le maire, accusé de "débordements judiciaires" ?
Nous nous contenterons de rechercher l'origine du mot "bivouac", à la consonance si peu française et qui ne rime - pratiquement (2) - qu'avec "couac" !
Les dictionnaires allemands et français donnent approximativement la même définition (au sens moderne du terme) de "Biwak" / "bivouac", à savoir
- behelfsmäßiges Nachtlager im Freien von Truppen (von Truppen, Bergsteigern...)
- campement provisoire établi le plus souvent la nuit par un rassemblement de personnes en marche (troupes, expéditions sportives, scientifiques, etc.), et plus spécialement en haute montagne.
Par contre, en ce qui concerne son origine, les ouvrages français et allemands se renvoient poliment la balle dans une sorte de remake de "Messieurs les Anglais, tirez les premiers !" (3)
Pour les lexicologues français, le mot vient
- "de l'Allemand weywach, qui signifie double garde" (Furetière, 1690) ;
- "de l'allemand Beiwache, de bei, auprès et wachen, veiller" (Littré) ;
- soit du "moyen bas-allemand biwacht "service de garde auxiliaire", soit du "néerlandais bijwacht : garde secondaire, composé de bij "auprès de" et de wacht "garde" (CNRTL).
Par contre, pour le DWDS - et les dictionnaires allemands en général - le mot a été emprunté… au français ! "Entlehnung (um 1700, anfangs in frz. Schreibweise) von frz. bivouac ‘Nacht-, Feldwache’, dann auch ‘Feldlager’." (4)
Tous les dictionnaires s'accordent cependant sur le fait que, avant de désigner un campement provisoire de nuit, le mot se définissait comme une sorte de patrouille auxiliaire de citoyens qui assistait la garde de nuit officielle. Le mot serait passé dans le vocabulaire français à l'époque de la guerre de Trente Ans (1618-1648), francisé en "bivoie", puis "bivouac" et aurait alors pris le sens de "campement de nuit improvisé pour les troupes en marche".
- Il a été d'abord repris tel quel ("bivouac") en allemand vers 1700, avant de se germaniser en "Biwak".
- Il est attesté en anglais dès 1702, sous la forme orthographique française (qui s'est d'ailleurs maintenue), mais n'est devenu vraiment usuel qu'à l'époque des guerres napoléoniennes, et il a été abrégé en "bivvy" au moment de la Première Guerre mondiale.
C'est seulement au milieu du XIXe siècle, avec le développement de l'alpinisme et la multiplication des voyages d'exploration, que le terme a acquis sa signification actuelle, sans contexte militaire.
Bref, bivouac est un "prêté-rendu" ou "réemprunt" : d'origine germanique, il est passé - vraisemblablement véhiculé par les mercenaires suisses - dans la langue française, d'où il s'est diffusé dans la plupart des langues européennes. (5)
On constate, une fois de plus, que les périodes de conflit (en l'occurrence la guerre de Trente Ans et les guerres révolutionnaires et napoléoniennes) et le brassage de population qui en résulte accélèrent la diffusion des mots et contribuent… à la compréhension des peuples !
Pour être au courant
1a - Le toit de l'Europe ? En réalité, le Mont-Blanc n'est que le toit… de l'Europe occidentale, et seulement le 5ème sommet du continent européen, assez loin derrière les 5642 m du Mont Elbrouz (situé dans le Caucase, à la frontière entre l'Europe et l'Asie).
1b - L'altitude du Mont-Blanc varie :
Selon les dernières mesures (de septembre 2021), le sommet du Mont-Blanc culmine à 4807,81 m. "On ne mesure pas la toute dernière neige, on en gratte 40 cm au sommet, pour atteindre la glace", explique le géomètre-expert Jean des Garets. Cette épaisseur de glace et de neige fluctue entre 15 et 23 mètres. Le sommet rocheux, lui, culmine à 4792 mètres et poursuit sa croissance - lente mais continue - de 1 à 3 mm par an, du fait du soulèvement tectonique du massif. (d'après tf1info.fr)
2 - les autres mots terminés phonétiquement par "-ouac" "ne courent pas les rues" !
● cacouac : terme inventé vers 1757 par les adversaires des philosophes des Lumières, surtout pour se moquer des auteurs de l'Encyclopédie. Composé de "kakos" (mauvais et grec) et de couac, il signifie méchant.
● naouak ou nawak (terme d'argot) : n'importe quoi, absurde, sans rapport, qui ne veut rien dire.
● ouak \wak\. Interjection canadienne exprimant le dégoût devant une chose ou une idée. Équivalent de "beurk !
3- "Messieurs les Anglais, tirez les premiers !"
Cette phrase célèbre aurait été prononcée lors de la bataille de Fontenoy (en Wallonie actuelle), le 11 mai 1745, bataille remportée - de justesse - par les Français.
Elle opposait une armée française (sous le commandement de Maurice de Saxe) à une armée austro-hollando-anglaise - "die pragmatische Armee" - (sous le commandement du duc de Cumberland).
De nombreux historiens pensent que cette anecdote rapportée par Voltaire est en réalité apocryphe. Quoi qu'il en soit, ce prétendu geste de courtoisie a en réalité des raisons tactiques : à cette époque, quand les soldats et artilleurs venaient de tirer, il leur fallait un certain temps pour recharger leurs armes, une pause que l'ennemi pouvait mettre à profit pour attaquer.
4- Le Digitales Wörterbuch der deutschen Sprache renvoie au suisse "Beiwacht", patrouillierende Wache von Bürgern (der regulären Stadtwache zur Verstärkung beigegeben), daher eigentlich "Hilfs-, Nachtwache".
5- bivacco en italien ; vivac en espagnol ; bivaque en portugais ; bivuac en roumain ; bivak en néerlandais ; bivack en suédois ; biwak en polonais, tchèque, serbo-croate, russe...
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Un Mot du Jour en hommage à une grande dame de la Société France-Autriche
Marie-Louise et Passepartout
C'est par amour pour un Autrichien que "notre" Marie-Louise a quitté la France pour s'installer en Autriche à la fin des années 1950.
Quelque 150 ans plus tôt, c'est par raison d’État que Marie-Louise de Habsbourg, fille de l'empereur François 1er, a quitté l'Autriche pour aller en France épouser Napoléon 1er.
C'est de cette princesse autrichienne que vient le substantif "Marie-Louise" (mot masculin et écrit avec des majuscules) qui désignait les 120 000 très jeunes conscrits des classes 1814 et 1815, appelés à servir - par anticipation - dans l'armée, par le sénatus-consulte signé par l'impératrice Marie-Louise, qui était régente du pays pendant la campagne de Saxe de Napoléon. (1)
La guerre s'est éloignée - du moins des frontières françaises… - et, aujourd'hui, le substantif "marie-louise" (mot féminin, écrit sans majuscule et accordé au pluriel) est surtout connu dans le domaine de l'art et plus précisément de l'encadrement.
Une marie-louise est une sorte de cadre intermédiaire,
placé entre le cadre extérieur - ou moulure - et l’œuvre.
On l'utilise pour encadrer des peintures sur toile ou bois, sans plaque de verre.
Elle est souvent peinte dans une couleur neutre, ou gainée de tissu.
Schéma d'un encadrement (Wikipédia) :
1- moulure , 2- marie-louise ; 3- œuvre encadrée
Lorsqu'on cherche la traduction de cette "marie-louise" dans un dictionnaire bilingue français-allemand, on trouve en général la proposition "Passepartout".
Mais il s'agit là d'une confusion : le passe-partout (ou "passepartout" en orthographe réformée) est également utilisé pour encadrer une œuvre, mais c'est une feuille de carton épais, évidée en son centre aux dimensions de l'image qui doit rester visible. Son rôle est d'éviter le contact direct entre l’œuvre - peinture ou dessin (en particulier pastel, sanguine, fusain), lithographie, photographie… - et la vitre qui la protège.
Cependant, à l'origine, un passe-partout (mot attesté en 1567) est une clé pouvant ouvrir plusieurs serrures différentes dans un même bâtiment. Si le terme est toujours utilisé dans ce sens-là, il a pris aussi, par extension, le sens de "ce qui s'adapte à tous les usages, ce qui est interchangeable", par exemple la feuille de carton amovible évoquée ci-dessus, qui encadre l'oeuvre et peut s'adapter à différents formats de cadre et d'oeuvre.
Employé comme adjectif - un mot / une formule / un texte / un style passe-partout… - il acquiert parfois une connotation un peu péjorative : un mot passe-partout a l'avantage de pouvoir être employé dans différents contextes mais manque parfois de précision ou d'originalité.
Passepartout, héros du roman "Le Tour du monde en quatre-vingt jours" de Jules Verne (1873), lui, ne manque pas d'originalité. En réalité, "Passepartout" n'est pas son vrai nom, comme il l'explique à son nouveau maître, Phileas Fogg : "Jean Passepartout, un surnom qui m'est resté, et que justifiait mon aptitude naturelle à me tirer d'affaire."
Le lecteur n'apprendra jamais comment il s'appelle véritablement, mais aura l'occasion de constater, au cours des péripéties de ce tour du monde, la débrouillardise du personnage qui trouvera toujours une astuce pour surmonter les obstacles et "passer partout". (2)
"Notre" Marie-Louise avait, elle aussi, le don - et le courage - de surmonter tous les obstacles. Personne ne pouvait résister à son pouvoir de persuasion. Rien ne pouvait l'arrêter.
Rien, sauf la Grande Faucheuse qui l'a fait passer, le 30 décembre dernier, dans un monde que nous espérons meilleur...
Pour être au courant
1- Le terme "Marie-Louise" a été repris pour désigner les jeunes soldats recrutés au début de la 1ère Guerre mondiale.
2- La vie "instable" de Passepartout - Après avoir exercé des métiers aussi divers qu'originaux - chanteur ambulant, professeur de gymnastique, écuyer et danseur de corde dans un cirque, sergent de pompiers à Paris… - ce "garçon âgé d'une trentaine d'années", las de cette vie instable, devient valet de chambre en Angleterre, dans l'espoir de mener une existence plus tranquille.
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Quel est le comble de l'absurdité pour un militant "Insoumis" ?
C'est d'utiliser le langage "inclusif" pour réclamer l'exclusion d'un membre de son parti !
"Lundi, [26/12/22] plus d’un millier de militants insoumis et de la Nupes signent une tribune dans Le Monde, pour dénoncer la décision du mouvement de n’exclure que temporairement de son groupe parlementaire le député Adrien Quatennens, condamné pour violences conjugales."
« Nous appelons les militants.e.s à l’insoumission », déclarent les signataires (...) qui dénoncent un « système vertical privilégiant la protection des cadres dirigeants aux dépens des militants.es et des programmes ». Iels (1a) réclament « une démocratie interne plus juste où les représentants seront nommés et légitimés par les militant-e-s et non pas essentiellement par le cercle restreint du bureau national. » (article)
Alors, "militants.e.s" - "militants.es" - "militant-e-s" ? Il faudrait savoir !
Si les militant/e/s, elleux-mêmes (1b), sont incapables (ouf, un adjectif épicène ! (1c)) de se mettre d'accord sur la forme inclusive à adopter dans cette "tribune", comment le commun des mortels pourrait-il s'y retrouver ? (2)
La question de l'écriture inclusive - et du langage inclusif en général -, appelé "das Gendern" en allemand, agite aussi les esprits du côté autrichien des Alpes, où le "Mutter-Kind-Pass" (sorte de carnet de suivi médical du nourrisson) vient d'être remplacé par un "Eltern-Kind-Pass". Malheureusement les nouveaux termes "non-genrés" ne sont pas tous aussi clairs et simples à utiliser que ce dernier.
"Das Gendern erregt die Kärntner", titre le quotidien "derstandard.at" à la mi-décembre. (article)
Le "manuel d'écriture inclusive" (3) de 71 pages élaboré à l'intention des fonctionnaires du Land de Carinthie a soulevé un tel tollé que les autorités ont préféré faire machine arrière. Pour l'instant...
Quelques exemples ?
"Fachkundig" dev(r)ait remplacer le trop viril "fachmännisch" (expert/e).
La langue maternelle - "Muttersprache" - se transforme en "Erstsprache".
Un "Hausmeister" - sera désormais désigné par la périphrase "Fachkraft für Gebäudemanagement" - un titre nettement plus valorisant que "concierge" !
Le visiteur ou l'invité - "Gast" - devient "Besuchsperson", une formulation qui ne manquera pas de rappeler les visites dans les prisons, hôpitaux ou autres Ehpad où les "Besuchzseiten" sont strictement règlementés. (4)
Pour ce qui est de l'emploi des points, traits d'union, traits bas et barres obliques dans l'écriture inclusive en allemand, les recommandations sont aussi variées que floues...
Par exemple, pour traduire "chacun, chacune", on a le choix entre "jede:r" (Genderdoppelpunkt), "jede*r" (Gendersternchen), "jede-r" (Bindestrich, recommandé par le Duden), "jede_r" (Gendern mit Unterstrich), "jede/-r" (Genderschrägstrich) ou même "jedeR" !
Sans oublier le "Binnen-I" ou "i intermédiaire" comme dans "KanzlerIn ! Ou plutôt non, cette variante étant aujourd'hui considérée comme obsolète. Désormais, le chancelier ou la chancelière s'appellera "Regierung führende Person". ou "Bundeskanzlerschaft innehabende Person".
Reste à savoir si l'emploi récurrent du substantif féminin "personne / Person" n'est pas discriminatoire vis-à-vis des personnes de genre masculin...
Et dire que l'on nous avait promis (en France comme en Autriche) une "simplification de la langue administrative" !
On a plutôt l'impression d'être retourné à l'époque des "Précieuses ridicules" et de leurs périphrases raillées par Molière. (5)
Le "Leitfaden" carinthien fait aussi l'objet de nombreuses moqueries et de commentaires humoristiques :
"Das Geschlächtern gehört eingestellt!" réclame un lecteur (de l'article du standard.at), dont la trouvaille "Geschlächtern" combine avec humour : "Geschlecht" (genre), "Schlacht" (lutte, bataille), schlecht (mal, mauvais) et "Gelächter" (moqueries) !
Pour être au courant
1a- "iels" est la forme "inclusive" des pronoms personnels sujets "ils + elles"
1b- "elleux" est la forme "inclusive" des pronoms personnels toniques "elles + eux"
1c- épicène : qui ne varie pas selon le genre. Exemple : il est incapable, elle est incapable !
2- Quelle est donc la forme inclusive correcte ?
- accord au pluriel du masculin et du féminin, chacun de leur côté, ou pas ? "militants.e.s" ou "militant.e.s" ?
- emploi du trait d'union comme dans "militant-e-s" ?
- emploi d'un point ou de deux points consécutifs ? "militant.e.s" ou "militants.es"
- emploi du point "normal" ou, comme certains le recommandent, du point dit "médian" (ou "point milieu"), ou de deux points médians consécutifs comme dans "militant·e·s" ?
3- "Leitfaden für gendergerechte Sprache im Amtsgebrauch"
4- Autres exemples du "manuel"
- der Bauer, die Bäuerin cèdent la place aux "landwirtschaftlich Beschäftigte"
- der Bote, die Botin → "überbringende Person"
- der Täter, die Täterin → "Unrechtsperson"
- der Absolvent, die Absolventin → "einen Abschluss innehabende Person"
- fachärztliches Attest (attestation médicale) viendra remplacer "Attest einer Fachärztin oder eines Facharztes", trop genré !
5- Cependant, le but recherché par les Précieuses était bien différent, comme l'explique leur contemporain, le polémiste Antoine de Somaize, auteur du "Dictionnaire des Prétieuses" (avec un "t") :
"Il faut qu’une précieuse parle autrement que le peuple afin que ses pensées ne soient entendues que de ceux qui ont des clartés au-dessus du vulgaire."
Dans le langage précieux, un miroir devient un "conseiller des grâces", les chaises sont "les commodités de la conversation" et la chandelle est "le supplément du soleil". Les Précieuses appellent les joues "les trônes de la pudeur" ; les yeux sont "les miroirs de l'âme", le nez "les écluses (Schleuse) du cerveau", tandis que le cerveau, lui, est appelé "le sublime".
Quant au verbe "accoucher", mot imprononçable pour une "dame convenable", il était remplacé pudiquement par la périphrase "subir le contrecoup des plaisirs légitimes" !
Le langage des Précieuses était plus "exclusif" qu'inclusif, et ne cherchait pas à éviter les formules discriminatoires et blessantes. Ainsi, les "porteurs de chaise" (Sänfte) étaient pour elles "des mulets baptisés" !
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